Bienvenue dans la retranscription de l’édition « Passionnément », où chaque mois en partenariat avec RCF Saint-Etienne, vous retrouverez l’interview d’un commerçant Stéphanois du livre Côté Comm’, passionné par son métier autant que par ses produits.
Place à Emilie Collard des Jardins de Babylone.
RCF: Bonjour Emilie! Ce magasin est vraiment extraordinaire, je pense qu’il est connu de beaucoup de gens, même s’ils ne sont pas rentrés chez vous! Justement on va en parler tout de suite, c’est grâce à vos vitrines. Il y en a beaucoup, combien de linéaire de vitrines?
E. Collard: J’ai 5 vitrines de 2 mètres en angles de rue, c’est du boulot!
RCF: Parce qu’il y a une mise en valeur. Comment on organise autant de vitrines?
E. Collard: Alors, les vitrines je n’ai pas vraiment d’idée quand j’en commence une, je fais par rapport à ce que j’ai reçu dans la semaine, en fonction des cache-pots, des plantes que j’ai choisi. Donc petit à petit je commence et cela vient au fur et à mesure. J’essaie de changer les thèmes assez souvent.
RCF: Vous avez d’ailleurs fait des choix, des choses inattendues : un jour pour la Saint-Valentin, vous avez même investi! C’est justement cet investissement pour se démarquer?
E. Collard: Effectivement pour la Saint Valentin, une année j’ai mis plein de gros vases « boules » avec des couples de poissons rouges ! J’ai donc acheté je ne sais plus exactement, mais 80 poissons rouges ! C’était très beau et très rigolo, les gens m’en parlent encore ! Donc il est vrai que parfois j’investis des fois pas mal d’argent dans mes vitrines mais à la fois c’est ce qui fait que je vais beaucoup vendre mes produits aujourd’hui. Il faut trouver le bon thème, ce n’est pas toujours évident. Noël par exemple… c’est doré et cela ne change pas souvent ! Mais j’arrive à faire des vitrines différentes chaque année et j’ai beaucoup de compliments, cela fait vraiment ma pub’.
RCF: Vous avez eu envie de devenir fleuriste? Depuis toute petite?
E. Collard: J’ai toujours aimé être dans le jardin de ma grand-mère faire des petits bouquets, mais voilà ce n’était pas mon rêve. J’ai toujours aimé la « déco » même ado, j’aimais changer ma chambre etc… Je me suis dit que c’était un métier qui pourrait me plaire et effectivement je suis passionnée, même si c’est dur.
RCF: En même temps le commerce, la clientèle, vous connaissez cela depuis longtemps !
E. Collard: Exactement! Je suis fille de primeur, je travaillais beaucoup chez mes parents le week-end pour les aider. Oui je connais bien le commerce, depuis toute petite ! Mes parents avaient un magasin mais ils faisaient également les marchés, donc j’étais avec mon père le samedi matin, dans le froid !
RCF: Vous avez fait des études pour devenir fleuriste, car cela ne s’improvise pas. On connait tous quelques fleurs «vedettes» on va dire, mais à partir de là c’est un insuffisant pour apporter le conseil au client, et puis peut-être ce dont il a besoin pour offrir ou pour chez lui.
E. Collard: Pour ouvrir une boutique de fleurs, il ne faut pas de diplôme aujourd’hui. La profession n’est pas trop protégée par rapport à cela. Le syndicat des fleuristes se bat depuis plusieurs années pour que cela soit reconnu avec au moins l’obligation d’avoir un CAP, mais cela ne passe pas. Donc demain vous pouvez ouvrir une boutique, mais en général ceux qui ouvrent sans diplôme ne tiennent pas longtemps. C’est quand même un métier qui s’apprend sur quatre ans : un CAP en deux ans et un BP en deux ans, on peut même faire un brevet de maîtrise en un an, je me suis arrêtée personnellement au BP. Je trouve qu’il faut bien ces 4 ans là pour connaître le métier.
RCF: D’autant, et votre magasin le prouve, qu’au delà des quelques fleurs que j’évoquais tout à l’heure, on trouve chez vous par exemple des fleurs exotiques de toute tailles, des fleurs qu’on ne s’attends pas forcément à trouver en ville chez un fleuriste. J’ai derrière moi un olivier, que je n’avais pas vu en rentrant, on trouve cela généralement chez les pépiniéristes donc c’est vraiment une ouverture très large de propositions en ce qui vous concerne.
E. Collard: Oui exactement. J’essaie de trouver des produits qu’on ne trouve pas partout. Tout le monde vend des plantes et des fleurs aujourd’hui. J’essaie de suivre les tendances car oui, il y a des tendances dans les fleurs ! En ce moment, c’est les fleurs champêtres et fleurs séchées. Les plantes vertes sont devenues à la mode depuis quelques années; avant on vendait plus de fleurs, maintenant la tendance s’est inversée. Donc j’essaie de trouver des plantes originales et diverses.
RCF: Je suis arrivée à l’ouverture du magasin et vous avez commencé par une sérieuse séance de gymnastique. Qu’est-ce qu’il faut faire tous les matins et tous les soirs du coup?
E. Collard: Je sors ce que j’appelle ma «terrasse», des fois l’été quand il fait un peu meilleur, je mets des petits canapés, des tables… L’année dernière, j’ai fait une ambiance un peu Marrakech : avec des lanternes, des oliviers, un aloe vera… Et bien tous les matins, il faut sortir et arroser, car dans des petits pots comme ça le vent dessèche. Rentrer et sortir deux fois par jours toutes les plantes, toutes les tables etc donc j’aime bien quand tout est mis en scène.
RCF: L’arrosage matin et soir dehors, mais aussi dans le magasin?
E. Collard: Comme il fait assez humide dans mon magasin, non pas forcément quotidien. Par contre, il faut changer l’eau des fleurs coupées tous les jours.
RCF: Et pour les arbres que vous vendez vous n’êtes pas obligée de tailler? Vous n’avez pas le temps de le faire! C’est certainement assez vite vendu?
E. Collard: Oui, cela part rapidement je n’ai pas besoin de tailler, les plantes d’intérieur je n’ai pas d’entretien.
RCF: Comment les choisissez-vous? Vous nous avez parlé de tendance, de mode, de saison bien sûr. En même temps, l’Anigozanthos, une cliente qui vient de rentrer vous a demandé, je n’en avait jamais entendu parler, je ne sais pas si c’est une plante courante ou pas?
E. Collard: Ce n’est pas très courant après on peut en planter chez nous, c’est une plante d’Afrique du sud, on peut couper les fleurs et les faire sécher, avec une grande variété de couleurs; orange, jaune, rose pale, rouge, c’est une fleur assez curieuse.
RCF: Vous êtes sympa, vous en sortez une pour moi de son vase, elles ont des formes très particulières et puis un surnom?
E. Collard: Oui ! On les appelle aussi plus communément des «pieds de kangourou»!
RCF: Alors toutes ces fleurs, vous les connaissez, vous vous dîtes voilà, il m’en faut pour le magasin ou bien est ce que vous avez des fournisseurs qui vous les proposent sans doute ou sur des catalogues. Comment faîtes vous vos emplettes pour le magasin?
E. Collard: Alors on achète beaucoup sur un site mais je vais quand même chez mon grossiste. Mais les grossistes ce n’est pas eux qui vous trouvent les choses, ils vendent ce qu’ils vont être sûrs de vendre, tout ce qui est un peu original, si vous ne demandez pas vous n’avez pas.
RCF: Ces grossistes ils se trouvent où? Alors c’est un peu caricatural, mais on pense à la tulipe et aux Pays-Bas, aux roses et à Nice… donc est-ce que c’est vraiment cela ou bien est-ce que c’est d’ailleurs que viennent ces fleurs?
E. Collard: Alors tout passe par la Hollande, même les fleurs qui viennent d’équateur, même les fleurs françaises montent en Hollande pour être redisptachées donc c’est vrai que quand j’achète de la fleur française, des fois elle est descendu du midi, montée à Aalsmeer en Hollande et elles redescendent chez moi ! Donc pour l’empreinte carbone ce n’est pas top mais voilà c’est comme ça.
RCF: Vous n’avez pas la possibilité d’acheter directement à un producteur français?
E. Collard: Ce n’est pas facile de trouver! Les Hollandais ont racheté beaucoup de producteurs du sud de la France, ils se sont «fait manger» petit à petit; il en existe hein mais le problème c’est que souvent, ils n’ont pas beaucoup de quantité, pour le transport etc c’est compliqué !
RCF: Nous allons nous déplacer dans la deuxième pièce de votre superbe magasin. Nous avons l’impression de changer de continent grâce à ce que vous proposez. J’ai aperçu cela de loin en rentrant dans la boutique, vous avez deux rayons de statut de vierge, de croix qui évoque le Saint-Sacrement, d’ex-votos, alors là je suis complètement scotchée je dois dire!
E. Collard: C’est la mode depuis bien 4 ans, je ne sais pas vraiment d’où cela sort. En tout cas, la Covid a accentué cette tendance ! Ce sont deux lyonnaises qui ont créé cette marque «bon cœur» et «bonne sœur» depuis 6 ans maintenant et elles font un carton. Elles ont vraiment développé la mode de tout ce qui est « bondieuserie » on va dire. Elles travaillent en partenariat avec la Ciergerie des Prémontrés à Tarascon, une grande ciergerie traditionnelle, en proposant des vierges fluos, les cœurs de lumière et j’en vend au moins une par semaine.
RCF: Et les gens les mettent cela dans leur chambre?
E. Collard: Partout ! J’ai même un client qui m’en achète de toutes les couleurs et qui a fait un couloir avec des niches, et chacune a une vierge de couleurs et après il les customise en mettant des fleurs sur la tête, des bijoux…
RCF: Donc ça c’est pour le mur «surprenant», mais il y a également plein d’autres objets, ici il y a même de la vaisselle dans cette deuxième partie?
E. Collard: Oui je me suis un peu développée en déco car cela va bien avec les fleurs quand même. Puis parfois il y a des temps plus calmes par exemple quand il fait plus chaud, les gens achètent moins de fleurs donc cela me permet de maintenir un chiffre d’affaires.
RCF: Alors vous ouvrez à 10h et vous êtes ouverte jusqu’à 19h, en continu?
E. Collard: Oui. Alors là c’était les vacances scolaires mais en temps normal je fais 9h / 19h du mardi au samedi.
RCF: Alors même si l’achat de fleurs finalement a baissé, les gens ont toujours envie d’acheter des fleurs?
E. Collard: Oui quand même. Mais la plante reste quand même plus à la mode. Cela reste le petit cadeau. Même si la fleur a augmenté aussi, comme tout, c’est toujours le petit cadeau que l’on peut faire à 30 euros cela fait toujours plaisir.
RCF: Alors par la magie de la radio, on vient de laisser passer 30 minutes. Deux clientes sont rentrées, l’une en disant «c’est le paradis ici» et qui a trouvé que votre composition de bouquet était très originale, et un couple qui était manifestement décidé sur ce qu’ils voulaient, ils savaient qu’ils allaient trouver chez vous. C’est un peu un échantillon de vos clients?
E. Collard: J’ai une clientèle parfois très âgée mais qui vient chez moi parce qu’ils savent que je vais les conseiller, leur faire un beau bouquet. Et j’ai une clientèle plus jeune qui veut suivre les tendances, les réseaux sociaux, la déco… La dame par exemple a pris ce qu’on vend le plus en ce moment : de l’eucalyptus et du gypsophil pour faire sa petite décoration chez elle avec ses Dames-Jeanne. Voilà j’ai deux types de clients.
RCF: On en revient à l’organisation du magasin, cela aussi s’est imposé à vous, vous l’imaginez, vous le mettez sur le papier ou bien vous vous laissez porter par le moment où vous vous y attelez?
E. Collard: Je me laisse porter. Je ne sais pas trop à l’avance, je vais faire ceci, cela. C’est vraiment le jour où je décide, j’en ai marre de cette table ici ce meuble là, tiens c’est pas mal comme cela, cela vient au fur et à mesure. Je change, je remets…
RCF: J’avais eu l’occasion de passer à Noël à ce moment-là vous étiez deux, aujourd’hui vous êtes toute seule. Ce n’est pas un choix de votre part?
E. Collard: Non pas du tout. Oui j’ai travaillé avec Faustine qui avait 24 ans donc je savais qu’elle ne resterait pas des années, quand on est jeune on a envie de voir autre chose donc effectivement elle a trouvé un travail ailleurs, elle voulait changer de boutique, voir comment cela se passe ailleurs. Donc là oui, je me retrouve toute seule et j’ai du mal à trouver quelqu’un, des fleuristes il n’y a en pas tant que cela. Je recherche quelqu’un effectivement.
RCF: On peut dire que c’est une bonne implantation du magasin?
E. Collard: Oui je suis bien placée, j’ai 5 belles vitrines, un bel emplacement surtout en rue piétonne.
RCF: Oui en l’occurrence, rue Sainte Catherine. Comment peut-on évoluer, se développer, pas forcément en surface, mais faire en sorte pour que le magasin soit toujours au top pour que les clients soient toujours au rendez-vous?
E. Collard: Toujours suivre les tendances, il faut regarder les réseaux sociaux, Instagram pour ma part. Les gens lisent beaucoup les magazines de déco, de mode etc… Il ne faut pas se laisser aller. Je n’ai pas vraiment le temps de voyager, mais les voyages développent la créativité. Essayer de trouver des petits artistes, j’ai des clientes qui font des jolis choses donc des fois je leur propose de mettre leur produit en magasin, des petites pochettes ou autres, j’essaie d’avoir des petits trucs sympas qu’on ne trouve pas ailleurs.
RCF: C’est un peu cela la clé?
E. Collard: Oui exactement. Des fois on me demande «avez-vous un vase tout simple, transparent?». Et non, je leur conseille d’aller chez Ikea. Je ne veux pas qu’on trouve les mêmes choses chez moi.
RCF: Vous êtes donc installée à Saint-Etienne, est-ce un choix ou un concours de circonstances?
E. Collard: C’est un concours de circonstances! (rires) Je suis de Dijon à la base. Ma meilleure amie travaillait ici, pour Richard l’ancien patron, il a décidé de vendre sa boutique donc elle m’a appelé et à l’époque j’étais sur Paris, j’en avais un peu marre. Je ne connaissais pas du tout Saint-Etienne mais j’ai dit oui tout de suite. Je suis arrivée en 2009 vraiment par hasard !
RCF: Et pas de regret aujourd’hui?
E. Collard: Non! J’espère juste que je ne resterai pas jusqu’à mes 70 ans dans ce magasin (rires). J’espère changer d’endroit.
RCF: Toujours dans les fleurs quand même?
E. Collard: Oui, je pense ou en tout cas je ferai une activité toujours en lien avec les fleurs. Peut-être plus dans l’évènementiel.
RCF: Vous faîtes partie de l’association des commerçants Côté Saint-Etienne qui regroupent énormément de commerçants de la ville. Pourquoi ce choix d’adhérer?
E. Collard: Parce qu’ils font plein d’évènements au cours de l’année, ils ont un site internet où l’on peut mettre en avant le magasin, ils nous font de la publicité, je trouve que c’est bien d’adhérer.
RCF: Quelles sont les tendances pour l’été qui arrive?
E. Collard: Comme l’année dernière, beaucoup de champêtre, de bohème. Pour les mariages c’est bohème chic. Les couleurs plutôt du nude, terracota, blanc, très pastel avec des choses assez simples.
RCF: Vous évoquez les mariages, cela fait évidemment partie des évènements dans lesquels les fleurs sont attendues, et pas n’importe lesquelles!
E. Collard: Oui tout à fait. Cette année il y a beaucoup de mariages, beaucoup plus que l’année dernière. J’ai eu un mariage en «fleurs fraîches» la semaine dernière cela m’a fait très plaisir, c’était très classique mais cela faisait très longtemps que je n’en n’avais pas fait. En ce moment, on est vraiment des centres de table en fleurs séchées, des fauteuils Emmanuel garnie de pampa… Voilà, pour ce qui est des tendances mariages en ce moment et depuis 2 ans.
RCF: Et votre fleur préférée?
E. Collard: Alors j’adoooore les pavots, c’est une fleur qui ne dure pas très longtemps, mais c’est tellement beau! J’adore les renoncules, les pivoines, les anémones… Je crois que j’aime toutes les fleurs en fait, à partir du moment où elles sont bien présentées! Comme le glaïeul qui n’est plus du tout à la mode, mais un beau bouquet blanc, dans un grand vase Médicis, dans une grande maison, cela peut être magnifique! Après tout dépend comment on le met en scène!
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