Bienvenue dans la retranscription de l’édition « Passionnément », où chaque mois en partenariat avec RCF Saint-Etienne, vous retrouverez l’interview d’un commerçant Stéphanois du livre Côté Comm’, passionné par son métier autant que par ses produits.
Place à Valérie Solelhac de chez Levi’s.
RCF: Bonjour Valérie ! Je me suis demandée comment vous présenter : Responsable de boutique ? Créatrice ? Fondatrice ? Gérante ? Gestionnaire ? Un peu tout cela à la fois !
Revenons sur la « jeunesse » de l’aventure, vous avez démarré ailleurs que pour Levi’s ?
V. Solelhac: J’ai travaillé avec mon père qui avait un magasin New Man. La marque me plaisait moyennement, ce n’était pas mon truc, ce n’était pas moi qui l’avais monté. J’ai rencontré des gens qui avaient une boutique Levi’s à Tours et c’est eux qui m’ont donné envie, envie de participer à cette aventure. Je suis allée chez Levi’s et contre toute attente, j’ai été choisie, je ne sais pas pourquoi ! Il y avait plein de candidats mais j’avais déjà un magasin, le savoir-faire aussi et voilà ; tout a démarré il y a 26 ans.
RCF: Premier coup, et premier coup de maître j’allais dire, cela veut dire que cette envie d’être à l’origine de la boutique, en l’occurrence la franchise Levi’s ici à Saint-Étienne, cela vous tenait à cœur ? On peut parler d’une entreprise entrepreneuriale malgré tout ?
V. Solelhac: Je ne sais pas si cela me tenait à cœur par contre ce que je sais c’est que quand j’ai rencontré la marque je me suis dit oui c’est vraiment des gens avec qui j’ai envie de travailler. J’aimais tous les gens au bureau, cela se passait bien, j’aimais la marque ils m’ont beaucoup aidé aussi, conseillé et j’ai eu envie de travailler avec eux et j’ai toujours envie, cela se passe très très bien.
RCF: Quand vous dîtes j’ai aimé la marque, c’est une marque culte bien sûr, le jean depuis fin du 19eme siècle on sait ce que cela peut représenter dans le vêtement que l’on porte tous plus ou moins, alors tous les jeans ne sont pas des Levi’s, mais du coup que représente cette marque pour vous justement ?
V. Solelhac: Alors c’est une marque qui est authentique, ils savent vraiment traiter du jeans, faire des vrais pantalons, habiller des gens, les coupes vont bien, c’est une marque aussi durable cad qu’on peut très bien le passer à sa fille qui le passera à son copain ou qui en fera finalement un sac à main. Ce ne sont pas des produits jetables ce sont des produits qui durent, qu’on aime, plus on les lave plus ils sont beaux ! Et ça, on ne peut pas le dire chez tout le monde mais chez Levi’s c’est vraiment une réalité.
RCF: Vous avez abordé tout de suite le dur, c’est vrai que l’un des reproches que l’on peut faire ou que l’on a pu faire au jean, c’était notamment sa consommation en eau, et là vous dîtes que la marque est extrêmement attentive à ce qui est aujourd’hui une vraie problématique mondiale.
V. Solelhac: Oui ils essayent vraiment de gérer le problème avec des jeans « waterless », donc avec moins d’eau. Ils font des délavages qui ne sont plus faits dans des machines, ils ont des usines qui sont éco- responsables, voilà le discours qu’ils ont, mais au-delà de tout ça pour nous, pour moi ce qui est très important, c’est ce que ce sont des produits qui durent. Effectivement cela consomme de l’eau mais on en achète finalement un au lieu d’en acheter cinq et c’est comme cela que l’on va peut-être réussir à moins consommer en achetant moins de produits.
RCF: Revenons maintenant sur la boutique ici rue Alsace Lorraine, une boutique qui allie le minéral et le bois en particulier, beaucoup d’élégance. C’est vous qui avez choisi, décidé comment cela allait se présenter ?
V. Solelhac: Alors non, ce n’est pas moi, c’est Levi’s, ils ont un cahier des charges qui est très précis, ils sont très attentifs à tous les détails, le sol, le plafond, la disposition des jeans. Tout est fait par Levi’s, des gens qui réfléchissent et je suis contente de les écouter parce que le résultat est beau et les clients s’y retrouvent et c’est ce que j’aime !
RCF: Vous êtes en franchise mais en même temps vous suivez quand même ces consignes, cela ne s’oppose pas ?
V. Solelhac: Alors si on peut se dire que je ne suis pas vraiment indépendante parce que j’écoute tout, effectivement j’ai fait le choix de vraiment suivre à la lettre ce que dit Levi’s et je pense réellement avoir fait le bon choix, parce que si je suis toujours là 26 ans après, c’est parce que je les ai écouté, parce que j’ai mis en place tout ce qu’ils voulaient et les résultats sont là. Le magasin est beau, les clients sont contents, le chiffre d’affaires est là donc je pense que Levi’s à un vrai savoir-faire et que les gens qui travaillent s’organisent pour nous préparer tout cela, ils sont meilleurs que moi dans mon petit magasin, toute seule, voilà.
RCF: C’est ce qu’on appelle le design et effectivement c’est un vrai métier, vous auriez pu commanditer quelqu’un d’autre ici sur la place stéphanoise et le fait que cela soit la marque il y a peut-être une corrélation plus grande avec les valeurs de cette marque, l’image qu’elle cherche à donner.
V. Solelhac: Je n’ai absolument pas eu le choix c’est-à-dire que pour être franchisée Levi’s il faut suivre leur concept je n’ai absolument pas le droit de faire ce que je veux. Par contre, j’ai le droit de faire travailler des artisans locaux et c’est toujours ce que j’ai fait. J’ai pris leur cahier des charges avec tout ce qu’ils voulaient et j’ai toujours fait traiter tout ce que je pouvais faire traiter au niveau local. J’ai quand même fait des travaux très souvent, du coup j’ai sollicité les artisans locaux.
RCF: Êtes-vous vous-même de la région, je ne vous ai pas posé la question ?
V. Solelhac: Oui je suis de Saint-Étienne, et mes parents aussi.
RCF: C’est important de rester là, d’avoir sa boutique ici ?
V. Solelhac: Je trouve que j’ai une qualité de vie ici, j’habite assez près, je trouve que c’est une ville qui est d’une taille « facile », on a toutes les commodités, tout ce que peut avoir on le trouve à Saint-Étienne. Pour moi c’était important, j’ai un mari qui travaille aussi par-là, du coup j’ai toujours eu envie de rester.
RCF: On va continuer si vous le voulez bien avec le produit, parmi les jeans, le mythique 501 dont c’est bientôt l’anniversaire, 150 ans qu’il aura été créé. Est-il différent en 2023 par rapport aux autres jeans ?
V. Solelhac: Oui, d’abord il est mythique. Les gens qui se rendent ici viennent toujours pour le 501, pour le voir sans nécessairement toujours l’acheter. C’est un jean qui va vraiment très bien, qui a évolué au cours des années bien sûr parce que sinon il ne correspondrai plus du tout à la mode d’aujourd’hui. C’est toujours le 501 mais qui a évolué tout en gardant son ADN en fonction des modes. C’est vraiment LE jean de chez Levi’s.
RCF: Pardonnez-moi cette question « naïve », mais comment peut-on innover véritablement avec un pantalon ? La forme cela va de soi, on l’a vu les jambes du pantalon qui collent à la jambe, les «pattes d’eph » il y a un certain nombre de créations possibles, pour autant quand vous dîtes que le 501 à évoluer, de quelle façon a-t-il changé au cours de ces dernières années ?
V. Solelhac: C’est vrai qu’on ne voit pas les évolutions à l’œil nu car c’est toujours un pantalon qui sera toujours taille haute, qui aura toujours avec des boutons, qui ne sera jamais «pattes d’eph» comme vous venez de le dire, mais des jambes droites mais Levi’s sait l’adapter, je ne saurai pas vous dire comment exactement mais ils font des adaptations sur la taille de poches, la largeur des jambes ou du bas, qui fait cela colle à la mode d’aujourd’hui en étant toujours « le même » jean. Les modifications ne sont pas tellement visibles mais quand on l’essaye, ça se voit !
RCF: Cette émission est en partenariat avec l’association Côté Saint-Etienne qui regroupe un certain nombre de commerçants de la ville, quelques mots sur cette association. Qu’est-ce que ça change d’en faire partie ?
V. Solelhac: Ça change le fait de faire partie d’un groupe de se sentir moins seule d’avoir quelques animations qui sont plutôt sympas, ils sont à l’initiative de la braderie de septembre, avec un système de chèques/cartes cadeaux qui nous ramènent quand même pas mal de clients et quand même du chiffre d’affaires, et au-delà de ça c’est aussi des gens avec qui on peut communiquer, on peut les appeler, si un jour on a pas trop le moral parce qu’on se dit « finalement il n’y pas eu de client aujourd’hui » on peut leur demander quelle est la tendance à Saint-Étienne, ce que pensent les autres peut être de se sentir moins seule. Dire que cela change, c’est un grand mot, mais disons que c’est plutôt agréable d’avoir affaire à des gens qui nous comprennent et qui ont l’idée d’un très grand nombre de commerçants à Saint-Étienne, savoir la tendance en fait.
RCF: La boutique qui a connu l’histoire avec un grand H et les 5 dernières années n’ont pas été absentes d’événements lourds. En tout cas les boutiques de Saint-Étienne et d’ailleurs ont subi, la Covid, les gilets jaunes… Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’une commerçante, quand il faut fermer comme ça du jour au lendemain. Comment avez-vous vécu cela ?
V. Solelhac: Pour moi les gilets jaunes, ça été très très très compliqué. J’ai très mal vécu cette violence, j’ai très mal vécu le fait d’être obligée de murer mon magasin, de fermer tous les samedis après-midi, de mettre les collaborateurs en danger parce qu’on ne savait pas, vraiment j’ai été très traumatisée par cela. Après la Covid, c’était juste incroyable de fermer un magasin on ne savait pas qu’on allait être aidé donc moi je me suis dit que c’était fini, que l’aventure allait se terminer et puis finalement on a rebondi, le gouvernement nous a quand même vraiment aidé nous avons pu continuer. Après que cela recommence aujourd’hui avec des grèves et des violences, j’avoue que cela me fait peur et que cela fait beaucoup. On est quand même fatigués de tout cela.
RCF: Vos collaborateurs ou vos collaboratrices, 3 avec vous dans la boutique Valérie, ce sont vos salariées, qu’est ce que cela représente pour vous lorsque vous venez au magasin que vous savez que vous allez travailler avec l’une ou l’autre, ce mot de collaboratrice qui prend tout son sens pour vous ?
V. Solelhac: Pour moi c’est très important d’avoir des gens avec qui je m’entends d’abord bien, que j’ai eu toutes ces années des gens très jeunes que j’ai formé, j’ai fait beaucoup de contrat de qualification, j’ai vraiment aimé faire cela et au-delà de tout cela, travailler avec des gens avec des gens que j’aime bien avec qui je m’entends bien, je trouve que c’est aussi une aventure humaine que d’être dans un magasin comme cela, pour moi c’est hyper important et je pense avoir plutôt réussi ce je voulais, en tout cas je suis satisfaite de tous les gens avec qui j’ai pu travailler mis à part 2/3 exceptions normales en 27 ans.
RCF: Vous m’avez dit une chose qui m’a un peu surprise en préparant l’émission, « ce qu’il faut c’est que les gens ne viennent pas pour moi, mais viennent vraiment pour la marque, pour le magasin », on peut comprendre évidemment s’ils viennent pour Levi’s, la marque, mais il y a une envie de dire qu’il y a une fidélité à ce que je suis, moi ?
V. Solelhac: Alors moi j’avais des parents commerçants, et mon père m’a toujours dit, alors est ce que c’est cela ou est-ce que c’est autre chose je ne sais pas, « essaye d’avoir un magasin qui repose sur toi au niveau de la gestion et de tout ce qui se passe dans le magasin par contre que les clients ne viennent pas te chercher toi parce que tu n’auras jamais une vie agréable si tu es tout le temps obligé de faire la vente et d’être tout le temps-là ». Donc j’ai toujours essayé de ne pas me mettre en avant par rapport au client et de mettre mes collaboratrices toutes égales en fait je pense que les 3⁄4 des client(e)s qui viennent ici ne savent pas qui est responsable et qui ne l’est pas, cela ne me dérange absolument pas, je n’ai rien à prouver à personne, la seule chose qui compte pour moi c’est que mon magasin tourne, je m’en occupe, mais je n’ai pas besoin d’être « au-devant de la scène » cela ne m’intéresse pas.
RCF: Cela suppose de la formation. Vous avez parlé des jeunes en contrat de qualification, vous disiez en commençant, le plus important c’est que le client trouve son compte très rapidement, qu’il trouve le jean qui va lui aller ce n’est pas à la portée du premier venu, il faut une vraie formation ?
V. Solelhac: Alors oui, quand on débute il est vrai, qu’il y a un gros travail. C’est vrai que je tiens absolument à ce que tout le monde soit formé de façon équivalente pour que les client(e)s ne se sentent pas lésés « j’ai été servi(e) par untel ou unetelle et j’ai été mal servi(e). Je pense que la réussite pour un magasin se base sur la connaissance des produits, quand un client rentre, nous n’avons pas le droit à l’erreur, enfin on n’a pas le droit de lui faire essayer 8 jeans qui ne lui vont pas. On peut se tromper une fois, il faut faire rêver les gens et pour faire rêver les gens il faut connaître ce que l’on vend et je pense qu’on y arrive assez bien. Cela demande des heures de formation, on discute beaucoup, on essaye beaucoup les produits, on voit ce qui peut aller à quel type de personne, à quelle morphologie.
RCF: Le vêtement, on le voit bien chez les jeunes, cela a toujours été mais peut-être plus qu’autrefois, l’anticipation du regard de l’autre sur soi. On est presque dans l’affectif, cela vous laisse-t-il comme une responsabilité par rapport à cela ?
V. Solelhac: Oui que les gens soient heureux avec ce qu’ils essayent, pour moi voir une femme qui se regarde dans la glace et qui fait « waouh » quand elle est contente de voir ses fesses dans son jean et ben moi ça me fait plaisir, j’aime ça !
RCF: L’autre aspect évidemment et pas des moindres dans une boutique comme la vôtre, c’est le conseil au client, peut-être qu’il cherche un pantalon mais peut-être qu’il n’a aucune idée de ce qu’il va choisir, c’est vraiment un plus que vous allez pouvoir apporter ?
V. Solelhac: Alors oui c’est sûr que le conseil est très important et c’est vrai qu’on a des techniques chez Levi’s qui sont bien rodées, cad des techniques de vente pour connaître, apprendre les besoins de chaque client. Je donne ces formations à chacun de mes nouveaux collaborateurs, pour que d’abord tout le monde fasse la même chose, et pour avoir vraiment des questions ciblées pour savoir ce qui veulent et c’est vrai que lorsqu’on pose les bonnes questions, pas 15 questions non plus hein, il faut aller vite et être efficace, mais quand on a posé 3 voire 4 questions, on doit pouvoir trouver le produit qui va rapidement dans les rayons.
RCF: Aujourd’hui, est-ce que vous constaté des gens qui sont fidèles qui reviennent qui savent que justement ils vont pouvoir trouver ce qui va leur aller « à eux » ?
V. Solelhac: Alors oui j’ai vraiment des clients très fidèles, très fidèles Levi’s, très fidèles au 501 et aux conseils qu’ils trouvent chez nous et qui savent qu’en venant chez nous on va leur trouver le produit qui convient alors qu’ils ne savaient « presque pas » ce qu’ils voulaient en arrivant.
RCF: Vous êtes repartie pour 25 ans de boutique ici peut-être ?
V. Solelhac: Alors sûrement pas 25 ans ! Après je serai trop vieille, je pense qu’il y a un âge pour tout, mais je suis encore là pour quelques années, voilà (rires).
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