Bienvenue dans la retranscription de l’édition « Passionnément », où chaque mois en partenariat avec RCF Saint-Etienne, vous retrouverez l’interview d’un commerçant Stéphanois du livre Côté Comm’, passionné par son métier autant que par ses produits.
Place à Tristan Thomas, « créateur de souvenirs gourmands» de la Confiserie des Arcades et C’est si bon…
RCF: L’histoire de votre boutique, et plus précisément celle de votre famille est parfaitement retranscrite dans le livre récemment publié par l’association Côté Saint-Étienne. Votre portrait ainsi qu’une vingtaine d’autres, ont pour but de montrer aux Stéphanois toute la «richesse» de leur ville.
Pensez-vous qu’ils l’ignorent, non seulement en termes de produits proposés, mais en termes de conseils et d’investissements, parfois depuis des générations?
T. Thomas: Je crois que les Stéphanois et les consommateurs en général, sont à la recherche d’humanité, de conseils, d’expertise, de proximité. Aujourd’hui, nous avons tendance à « étherer » un petit peu les relations humaines à travers les réseaux, les grosses plateformes de e-commerce, etc. Mais les consommateurs ont besoin de cette présence qu’est la nôtre. Ils ont besoin d’être guidés, orientés et rassurés aussi parfois, et ce n’est pas derrière un écran qu’on peut avoir ce genre d’interactions. Être à la recherche de ce genre de proximité, d’échanges, cette recherche d’humain finalement, c’est aussi les raisons pour lesquelles les gens passent notre porte, ils s’attendent à trouver tout cela. Et c’est aussi la raison pour laquelle ils reviennent !
RCF: Pourquoi avoir accepté de prendre part à cette édition de Côté Saint-Étienne?
T. Thomas: Ce livre est un ensemble de commerçantes et de commerçants, qui existent depuis toujours pour certains et plus récemment pour d’autres, mais ils ont tous une vraie identité. Nous représentons tous une valeur Stéphanoise : un savoir-faire, un savoir être aussi. Si chacun, individuellement, apporte ses valeurs, nous enrichissons notre clientèle ; humainement j’entends, et par voie de conséquence, la Ville et ses alentours. En se regroupant autour d’initiatives comme celle-ci, nous pouvons arriver à faire des choses que nous ne pouvons pas faire seuls. Plus précisément dans le cadre de ce livre, avec l’abondement d’un fonds de solidarité par exemple. Pour moi, c’était important d’y participer et de façon honnête, sincère, du mieux possible. Je pense que c’est également le cas de toutes mes consœurs et confrères qui ont participé à cet ouvrage, pour justement donner cette visibilité à notre travail, notre passion, mais aussi pour faire partie d’un ensemble, qui a une vocation qui dépasse et transcende le simple commerce.
RCF: La Confiserie des Arcades, c’est 3 générations, pouvez-vous nous retracer son histoire rapidement?
T. Thomas: Oui, c’est une histoire de famille. L’entreprise a été fondée par mes grands-parents en 1956. Mon père l’a repris en 1984 et moi en 2011.
Mon grand-père, originaire de Montélimar, a vendu du nougat sur les marchés. A la suite de quoi il a pu ouvrir une épicerie avec ma grand-mère sous les arcades de Saint-Étienne. Très rapidement, bonbons et biscuiterie ont pris leurs places. L’apparition du chocolat en rayon ne s’est fait que sur la fin de leur activité, lorsque mon père a repris. Cette partie est devenue pratiquement la première source et volume d’affaires de l’entreprise. Par la suite, j’ai particulièrement privilégié le chocolat français et décidé de sanctuariser tout cela en rajoutant le travail sur les cafés de spécialité. Dans une volonté de retour aux origines, je propose depuis peu, une petite partie d’épicerie fine avec des produits en circuit très courts et en production strictement ligérienne.
RCF: Et du coup pourquoi deux boutiques l’une à côté de l’autre?
T. Thomas: En fait, c’est un concours de circonstances. Je cherchais à récupérer ce petit local à l’angle qui offre plus de visibilité à mon activité, par rapport à la grande boutique. Je voulais un concept différent, réfléchir à une autre façon d’appréhender mon métier. Et parallèlement à cela, la maison Voisin cherchait aussi étoffer ses activités auprès de partenaires historiques, comme nous. C’est l’ensemble de ces trois facteurs qui sont rentrés en résonance. J’ai pu monter mon projet, avec l’aide de différents acteurs institutionnels, comme la Ville de Saint-Étienne et la CCI, entre autres.
RCF: Les 4 grands axes que vous travaillés sont donc réunis autour de la qualité et de produits origine France?
T. Thomas: Dans presque 100 % des cas, sauf évidemment pour certains, qui ne peuvent pas être fabriqués ici.
RCF: Est-ce que cette sanctuarisation vous a paru essentielle au moment de rependre la suite?
T. Thomas: J’ai vu cela comme une opportunité, un vrai défi. On ne va pas très loin si l’on ne donne pas du sens ce que l’on fait. Et dans cette quête de sens, je me suis interrogé sur ce qu’était mon métier, finalement. Et après un petit peu de recherche, de réflexion et d’introspection, je suis arrivé à la formule qui nous définit, «créateur de souvenirs gourmands depuis 1956». Cela résume très bien ma démarche. Mon objectif n’est pas de proposer «juste» du chocolat, des bonbons, de l’épicerie fine d’une marque ou d’une autre. Ma démarche est de proposer à mes clients, tous les ingrédients pour passer un bon moment, sans grandiloquence, seul ou avec d’autres, autour de la gourmandise. Par exemple, des petites choses comme «on est allés manger chez mamie, on a mangé des caramels comme quand on était petits», «on est allés voir notre voisin pour le remercier, on lui a offert de bons chocolats». Au-delà des produits et leurs origines, il y a une histoire, un patrimoine, un savoir-faire, des recettes ainsi que des personnes qui les font aussi. C’est donc cela que je sélectionne, ce n’est pas juste un produit, c’est tout ce qui va avec.
RCF: Vous les connaissez sur le bout des doigts du coup?
T. Thomas: Je les goûte ! Je goûte tout ! Ceux qui me connaissent en vrai le savent, et le voient ! Tout ce que je propose doit obéir à un certains nombre de valeurs. Il y a des choses que je ne fais pas car je sais que certains fournisseurs impliquent le travail des enfants par exemple. De la même manière, il y a des produits sur lesquels je fais des marges très faibles car ce sont des produits qui ont une histoire, que derrière il y a «des gens», il y a une région, qui font que j’ai envie de les mettre en avant. C’est l’ensemble de tous ces facteurs qui font qu’aujourd’hui, quelqu’un vient acheter quelque chose chez moi. Et lorsqu’on l’accueille, lorsqu’on le conseille qu’on le guide et bien l’objectif c’est de tendre simplement vers un petit bonheur. Il n’y a pas de démarche de négoce pur, ce n’est pas ce qui m’anime même si je reste une chef d’entreprise.
RCF: Vous avez une diversité de produits extraordinaire. Quels sont les plus traditionnels?
T. Thomas: Par exemple, les pastilles de Vichy qui ne soient pas à la menthe. J’en propose au citron et à l’anis. Au niveau des différentes marques avec lesquelles je travaille, je propose la Nougastelle de chez Weiss, Le coussin de Lyon de la Maison Voisin. Ce sont des incontournables ancrés dans la culture locale et régionale, également ancrés dans la culture de la gastronomie nationale et internationale pour certains.
Pour l’épicerie fine, je propose du français évidemment, mais j’ai vraiment volonté et vocation à travailler avec des producteurs ligériens: du miel, des biscuits, des pâtes à tartiner, cacao… Pour certaines matières premières, je vais les chercher plus loin. J’ai par exemple du safran qui vient directement d’Iran, c’est un produit exceptionnel.
RCF: Vous allez jusqu’à proposer du vinaigre, dans une confiserie c’est un peu inattendu?
T. Thomas: Oui, mais c’est drôle ! Dans l’épicerie fine il y a vraiment cette partie dégustation, avec différentes préparations. Des terrines, des compotées de légumes mais il y aussi toute cette dimension «aides culinaires» qui sert justement à créer. Et souvent, créer se fait «à plusieurs» autant dans la dégustation, que la confection ou la dégustation, voir même les trois, du coup on reste toujours dans cette démarche de créations de bons moments et de souvenirs.
RCF: Vous vous dîtes «artisan», pourtant vous ne fabriquer pas ce que vous vendez, expliquez-nous!
T. Thomas: En fait, je fabrique «les situations» pour créer ces souvenirs. Donc peu être pas artisan mais viscéralement créateur.
RCF: Malgré votre démarche qui vise à l’authenticité, à la volonté d’être au plus près de «la vérité» des produits, certains peuvent quand même se retrouver en grande surface?
T. Thomas: Il y en a évidement, mais la difficulté si vous voulez, c’est un peu l’aiguille et la botte de foin. On en revient à ce qu’on disait au début : la présence, l’humanité, la qualité, le savoir-faire, l’authenticité en tant que commerçants. Que ce soit pour moi dans la confiserie ou pour mes confrères dans la bijouterie, dans les jeux de sociétés etc. Nous sommes toujours là parce que derrière, il y a cet ensemble de choses, cette expertise, ce conseil et cette sélection. Des vinaigres, je pourrai vous en proposer 2000, il y en a pleins de fabricants! Mais aussi autant de variantes en bonbons, du chocolat, et idem pour le café. Mais je préfère proposer «telle référence avec tel fabricant» pour toutes ses raisons. Et nous tous, commerçants stéphanois et d’ailleurs, nous sommes dans cette démarche-là. Nous n’avons pas vocation à être un site où l’on référence de façon exhaustive toutes les références possibles et imaginables, pour que derrière vous puissiez trier avec des choix pseudo magiques, abscons et arbitraires.
RCF: Donc vous n’êtes pas une «chocothèque»?
T. Thomas: Non enfin d’une certaine manière si, mais une chocothèque d’auteurs !
RCF: Voilà donc 12 ans que vous êtes aux commandes, que vous avez ajouté votre «patte». Est ce que vous avez le sentiment d’avoir apporter quelque chose de différent par rapport à vos grands-parents, parents?
T. Thomas: Ce n’est pas la même société, il faut se le dire; mais pour autant, je dis souvent avec humour que j’ai un peu fait mon «Jacques Chirac» avec «une rupture tranquille». Je n’ai pas changé fondamentalement ce que proposait l’entreprise mais je l’ai dévié sur des valeurs et sensibilités différentes progressivement, pour s’adapter aux goûts et aux attentes des consommateurs ainsi qu’à la réalité du monde. Il faut «s’adapter ou mourir», c’est le style de vie des entreprises quelles qu’elles soient. Cette démarche d’adaptation et d’innovation me tient vraiment à cœur et je l’ai mis tout de suite en place avec la recherche de nouveaux fournisseurs, de produits, que ce soit de manière très éphémères ou au contraire très pérennes. Moi même en tant que consommateur, il m’arrive aussi de me lasser, nous sommes tous pareils; c’est donc une démarche entrepreneuriale très saine. Je souhaite que mes clients reviennent, sans pour autant toujours leur proposer la même chose, sinon ils finiront par aller ailleurs! Aujourd’hui j’explore des terrains de jeux un peu différents parce qu’avec ces nouveautés, il y a une véritable notion de «jeux» avec ma clientèle, souvent très réciproque! Voilà ce qui engendre des rencontres, des échanges, des belles histoires qui vont encore dans cette démarche de bons moments de créations d’instants
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